Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/347

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Par des formalités gagner le paradis !
Et parmi les élus, dans la gloire éternelle.
Pour quelques sacremens reçus sans aucun zèle,
Dieu fera voir aux yeux des saints épouvantés
Son ennemi mortel assis à ses côtés !
Peut-on se figurer de si folles chimères[1] ?
On voit pourtant, on voit des docteurs même austères
Qui, les semant partout, s’en vont pieusement
De toute piété saper le fondement ;
Qui, le cœur infecté d’erreurs si criminelles,
Se disent hautement les purs, les vrais fidèles ;
Traitant d’abord d’impie et d’hérétique affreux
Quiconque ose pour Dieu se déclarer contre eux.
De leur audace en vain les vrais chrétiens gémissent :
Prêts à le repousser, les plus hardis mollissent ;
Et, voyant contre Dieu le diable accrédité,
N’osent qu’en bégayant prêcher la vérité.
Mollirons-nous aussi ? Non ; sans peur, sur ta trace,
Docte abbé, de ce pas j’irai leur dire en face :
Ouvrez les yeux enfin, aveugles dangereux.
Oui, je vous le soutiens, il seroit moins affreux
De ne point reconnoître un Dieu maître du monde,
Et qui règle à son gré le ciel, la terre et l’onde,
Qu’en avouant qu’il est, et qu’il sut tout former,
D’oser dire qu’on peut lui plaire sans l’aimer.
Un si bas, si honteux, si faux christianisme
Ne vaut pas des Platons l’éclairé paganisme ;
Et chérir les vrais biens, sans en savoir l’auteur,
Vaut mieux que, sans l’aimer, connoître un créateur.
Expliquons-nous pourtant. Par cette ardeur si sainte,
Que je veux qu’en un cœur amène enfin la crainte,

  1. Boileau semble ici prendre la défense du jansénisme, tout en exprimant cependant une doctrine irréprochable.