Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/350

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Le Saint-Esprit est-il, ou n’est-il pas en nous ?
S’il est en nous, peut-il, n’étant qu’amour lui-même,
Ne nous échauffer point de son amour suprême ?
Et s’il n’est pas en nous, Satan toujours vainqueur
Ne demeure-t-il pas maître de notre cœur ?
Avouez donc qu’il faut qu’en nous l’amour renaisse :
Et n’allez point, pour fuir la raison qui vous presse,
Donner le nom d’amour au trouble inanimé
Qu’au cœur d’un criminel la peur seule a formé.
L’ardeur qui jusiifie, et que Dieu nous envoie,
Quoiqu’ici-bas souvent inquiète et sans joie,
Est pourtant cette ardeur, ce même feu d’amour,
Dont brûle un bienheureux en l’éternel séjour.
Dans le fatal instant qui borne notre vie,
Il faut que de ce feu notre âme soit remplie ;
Et Dieu, sourd à nos cris s’il ne l’y trouve pas,
Ne l’y rallume plus après notre trépas.
Rendez-vous donc enfin à ces clairs syllogisme ;
Et ne prétendez plus, par vos confus sophismes,
Pouvoir encore aux yeux du fidèle éclairé
Cacher l’amour de Dieu dans l’école égaré.
Apprenez que la gloire où le ciel nous appelle
Un jour des vrais enfans doit couronner le zèle,
Et non les froids remords d’un esclave craintif,
Où crut voir Abéli[1] quelque amour négatif.
Mais quoi ! j’entends déjà plus d’un fier scolastique
Qui, me voyant ici sur ce ton dogmatique
En vers audacieux traiter ces points sacrés,
Curieux, me demande où j’ai pris mes degrés ;
Et si, pour m’éclairer sur ces sombres matières,

  1. Abéli, ou plutôt Abelly, d’abord curé de Saint-Josse, à Paris, puis évêque de Rodez, est l’auteur d’un ouvrage qui n’est lu de personne, intitulé la Moelle théologique et dans lequel il cherchait à adoucir certaines doctrines, en quelque sorte implacables sur la pénitence.