Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/376

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D’où vient ce noir chagrin que je lis dans tes yeux ?
Quoi ! le pardon sonnant te retrouve en ces lieux !
Où donc est ce grand cœur dont tantôt l’allégresse
Sembloit du jour trop long accuser la paresse ?
Marche, et suis-nous du moins où l’honneur nous attend. »
MaLe perruquier honteux rougit en l’écoutant.
Aussitôt de longs clous il prend une poignée :
Sur son épaule il charge une lourde coignée ;
Et derrière son dos, qui tremble sous le poids,
Il attache une scie en forme de carquois ;
Il sort au même instant, il se met à leur tête.
À suivre ce grand chef l’un et l’autre s’apprête :
Leur cœur semble allumé d’un zèle tout nouveau ;
Brontin tient un maillet, et Boirude un marteau.
La lune, qui du ciel voit leur démarche altière,
Retire en leur faveur sa paisible lumière.
La Discorde en sourit, et, les suivant des yeux,
De joie, en les voyant, pousse un cri dans les cieux.
L’air, qui gémit du cri de l’horrible déesse,
Va jusque dans Citeaux[1] réveiller la Mollesse.
C’est là qu’en un dortoir elle fait son séjour ;
Les Plaisirs nonchalans folâtrent à l’entour :
L’un pétrit dans un coin l’embonpoint des chanoines ;
L’autre broie en riant le vermillon des moines.
La Volupté la sert avec des yeux dévots,
Et toujours le Sommeil lui verse des pavots.
Ce soir, plus que jamais, en vain il les redouble,
La Mollesse à ce bruit se réveille, se trouble,
Quand la Nuit, qui déjà va tout envelopper,
D’un funeste récit vient encor la frapper ;
Lui conte du prélat l’entreprise nouvelle.

  1. La célèbre abbaye de Citeaux n’avait point encore été réformée.