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SATIRE III.

1665.

DESCRIPTION D’UN REPAS RIDICULE[1].


D’A. Quel sujet inconnu vous trouble et vous altère,
D’où vous vient aujourd’hui cet air sombre et sévère,
Et ce visage enfin plus pâle qu’un rentier
A l’aspect d’un arrêt qui retranche un quartier[2] ?
Qu’est devenu ce teint dont la couleur fleurie
Sembloit d’ortolans seuls et de bisques nourrie,
Où la joie en son lustre attiroit les regards,
Et le vin en rubis brilloit de toutes parts ?
Qui vous a pu plonger dans cette humeur chagrine ?
A-t-on par quelque édit réformé la cuisine ?
Ou quelque longue pluie, inondant vos vallons.
A-t-elle fait couler vos vins et vos melons ?
Répondez donc enfin, ou bien je me retire
P. Ah ! de grâce, un moment, souffrez que je respire.

  1. Boileau s’est servi pour cette satire de deux modèles, Horace (Livre II, Satire VIII) et Régnier (Satire IX). Sans sortir de son style sévère et châtié, il a la touche fine et discrète d’Horace et cependant nous donne un tableau, où comme dans celle de Regnier tout est en relief et en saillie.
  2. Le roi, en ce temps-là, avoit supprimé un quartier des rentes. (B.)