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L’ÉVOCATION DU DIABLE

lement odorant leurs pieds ; certaines souffrent pour eux d’une ardeur sacrée ; ils apparaissent à des vierges, ils sont au cœur des veuves l’amant consolateur si attendu ; le corps du Christ s’immole sans cesse devant leur icône ; les prêtres leur rendent un hommage quasi divin. — Ils sont l’aristocratie du Ciel.

Et comment voulez-vous que les pauvres diables les approchent ? les pauvres diables vont au diable, qui est pauvre, qui est laid, qu’une cour d’adulatrices et d’adorateurs ne défend pas d’un cerne infranchissable. Il leur fallait un saint aussi misérable qu’eux, aussi désuet, aussi calamiteux, dolent, équivoque, un saint d’en bas, un saint de ténèbres, trop mal frusqué pour entrer à l’église, un saint sans feu ni lieu, un saint bohème et mendiant.

Saint Jude[1] était là, tout exprès, le bon serviteur ma récompensé, le bonhomme mis au rancart du sanctuaire, parce qu’il n’a pas le nom fringant des grands seigneurs du ciel, parce qu’il ne dédaigna pas de se nommer, lui le très fidèle, du nom du très lâche et du très vil, parce qu’il n’a pas un domicile d’encens et de fleurs, parce que nul genou douillet ou fier ne fléchit à son souvenir.

Dès lors le peuple des opprimés en fait son cordial ; il le

  1. Cet apôtre prononça de redoutables paroles, par lesquelles il eut du survivre, ramasser le type d’une personnalité forte, si l’humanité pouvait comprendre autre chose que les faits. Auprès de Jésus, Jude s’étonna qu’ils fussent choisis ces douze — et de par quel privilège eux justement ? — pour la suprême joie de la manifestation d’un Dieu. Il fut l’organe du cri sceptique infini ; « Pourquoi tout existe-t-il ? » Mais quelle révélation fendit pour lui les sept cieux lorsqu’il prononça cette phrase du symbole : « Je crois à la résurrection de la chair. » Ne jetait-il pas les assises ? confuses d’un spiritisme glorieux, d’un matérialisme comme céleste, n’exaltait-il pas, avant les Albigeois, cette chair maudite par le Christ en lui promettant la suprême résurrection, en quelque sorte l’immortalité ? J’aurais désiré qu’Hello, dans ses « Physionomies des Saints » où il révèle saint Jude, nous expliquât mieux le mystère de ces deux paroles.