Page:Bois - Le Satanisme et la magie.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
LE ROLE FADITIQUE DE LA FEMME

laissa dans le ciel le Père et la Mère immenses régner dans la même étreinte, la sorcière habita le temple, chanta le cantique de l’Au-delà, fut la sublime prêtresse, conseillère de l’époux, instigatricedes rois et des guerriers, consolatrice ! Elle était la promesse et la miséricorde ; elle pleurait devant le génie qui se lève, elle pleurait devant le criminel, comme devant sa victime, elle pleurait devant la geôle, tout près de celui qui est châtié pour trop d’héroïsme ou trop d’ignominie. Isis, elle cueillait les enfants qui naissent et les hommes mourant ; elle pleurait, et ses larmes furent le véhicule des âmes.

Le Christ libéra la femme, mais en la maîtrisant ; l’initiation lui avait ordonné la méfiance. Cependant il laissa les pécheresses l’aimer, il ne voulut pas qu’on tuât l’adultère, jamais il ne prononça le mot brutal : « Femme qu’y a-t-il de commun entre toi et moi[1] ? » il supporta qu’au pied de la croix sa mère reçût contre son sein, afin d’y compléter la révélation du Verbe — le disciple le mieux aimé, l’apôtre des avenirs ; il apparut à la courtisane, il voulut que saint Paul voyageât chez des filles perdues, et qu’elles lui fussent des protectrices et des hôtesses. Jésus plaçait un de ses pieds divins dans la religion qui suivrait la sienne. Jésus faisait mieux encore, il était femme, d’à cette habileté du sentiment dont la puissance intarissable d’Ève est tissée[2].

  1. M. Louis Ménard traduit très judicieusement et beaucoup plus exactement : λέγει αὐτῆ ὁ Ἰησοῦς τι εμοι καὶ σοὶ γύνα par « Jésus lui dit : Femme qu’est-ce que cela nous fait à toi et à moi ? « C’était aux noces de Cana, Marie voulait qu’on eut du yin. Mais, pour des intelligences mystiques, que peut être un peu de vin ?
  2. L’apôtre des Gentils, celui qui répandit la loi chrétienne avec le plus d’enthousiasme et d’acharnement, saint Paul, je le répète, fut sans cesse secondé par des femmes : tantôt Thécla, tantôt Lyda, tantôt Chloé la pâle et tantôt Phœbé la brillante ; à peine nommées dans les écrits qui nous restent, on les sent cependant ouvrières infatigables, exécutant docilement (avec la docilité de l’amour) les volontés du maître, et plus d’une tint le calame pendant que l’inspiration débordait des lèvres de Paul.

    Jusqu’en 379, dans l’Eglise grecque orientale, l’Eglise mère, la femme a été prêtre, elle était sacrée solennellement, recevait le Saint-Esprit par l’imposition des mains. Quand elle officiait, une sorte de terreur environnait sa consécration ; au moment où un Dieu descendait à sa parole, sous sa main délicate, un frisson de trop d’amour secouait l’assistance. On finit par craindre la contagion d’un attendrissement inévitable ; les évêques lui prescrivirent de ne plus dire la messe qu’à huis clos, mais les profanes violèrent trop souvent la chasteté du mystère ; peu à peu les conciles s’émurent, lui interdirent le sacerdoce, puis lui défendirent de cathéchiser, de baptiser, d’étudier même, sans son mari. En Occident, la femme ne fut jamais chargée que du diaconat, des soins matériels de l’église, et au siècle elle en fut exclue entièrement.

    Le mouvement messianique, le mouvement de foi, de martyre se ralentissent à cette époque ; c’est que le rôle de la femme faiblit.

    Elle se recroqueville ; elle, la propagatrice de cette religion qui maintenant l’écrase, elle se sent destinée à l’œuvre sourde des conspirations. La voilà qui s’humilie dans le menu des choses, elle avait vu par-dessus nos fronts, elle avait baisé l’Invisible, elle s’enfouit dans des détails obscurs, et la Sibylle qu’elle porte en elle fait semblant de dormir, s’éveillant parfois en ce grand empire romain, selon la curiosité d’un empereur inquiet ou d’un prétendant impatient, — persécutée. (Voir encore p. 27, note 3.)