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LE SATANISME ET LA MAGIE

hensible châtiment. La renaissance des âmes qui ont démérité en d’autres vies, sur d’autres terres, apporte ce ferment de larmes au monde qui, sans elle, s’endormirait dans un égoïsme aveugle, dénué de sursaut. Ils s’indignent, les nouveaux venus, si mal situés, et avec raison et sincérité apparentes, puisqu’ils ont oublié leur antique vilenie et ne voient que leur moderne abaissement. Ils poussent de justes cris contre de justes injustices. Leur plainte n’est pas inutile, leur tourment non plus. Leur légion, qui est le corps de Satan-Verbe, blasphème pieusement et expie avec désespoir.


Satan se subtilise en sa troisième face, la face future de cette trinité réverbératrice de l’Autre, troisième face contrefaisant le Saint-Esprit. Le plus subtil certes, et le plus dangereux des tentateurs, pour les artistes, les savants, les philosophes. Non pas la première personne de souffrance, mendiant grossier qu’il dédaigne, ni la deuxième hypostase, le sensuel éperdu dont le faux ascète sourit comme d’un sot. Adultérant Platon, il est nourri de la sophistique d’Hegel et de Hartmann, qu’il inspira. Renan est en France son précurseur, et la mauvaise doctrine Sankhya a vu ces yeux ironiques palpiter au-dessus de ses abîmes.

C’est un passionné métaphysique.

En son cerveau — il n’est plus guère que cela, un cerveau ! — l’univers matériel s’éclaire de conscience et les nuages de l’orgueil forment la couronne de ce front crépusculaire et auroral. Il raisonne, alors que de ses deux frères l’un pleure et massacre, l’autre se pâme et croupit. Il raisonne, et à peu près de la sorte :

« Il y a eu jusqu’à ce jour deux dieux pour les hommes.