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LE SATANISME ET LA MAGIE

spleenétique envie, que guette la maison d’aliénés ou l’hôpital — l’hôpital si Dieu a pitié !

Ce rustre, sans ambitions, est plus noble, il « travaille » pour quelques sous, sorcier malgré lui, comme subissant un mal héréditaire. Les gestes qu’il accomplit, les paroles qu’il prononce, ses formules et ses signes de croix accompagnant le coup de pouce du rebouteur, comment les expliquerait-il ? Il n’en sait guère qu’une chose : c’est que son père les lui légua sans lui dire plus, avec la seule peur que le curé les surprit au moment de la révélation bonne et funeste. L’église, il lui montre le poing quand il passe près d’elle : et il s’en écarte en ses interminables pérégrinations pour choisir les simples, dans la campagne. Haine instinctive ; le vieil Albi se révolte sourdement en ses veines sans précise mémoire. L’ombre noire du prêtre commémore le noir résidu des bûchers. Et ce pain même, gagné si durement après quelles humiliations et quels tours de bateleur, ce pain, en sa méfiance, il l’exorcise d’une malédiction qui atteindra le donateur et jusqu’à celui qui triture le blé, jusqu’à celui qui le sema, et, s’il le pouvait, toute l’organisation de l’humanité à vie tranquille.

Ne se connaît-il pas étranger, même en sa tanière ? Vaguement il pressent que ses ancêtres luttèrent sans cesse, que le plus lointain fixé en ce pays fut un martyr discret, un traqué des inquisitions qui paya d’une formule l’hospitalité. Et il terrorisa lui-même, tant il était effrayé ; sa seule manière de se défendre, lui isolé, ce fut d’exagérer sa puissance naturelle, de marcher de plus en plus dans l’ombre de Satan, de ne livrer à l’acheteur, des bribes de son « expérimental » qu’après promesse d’épouvantable châtiment, si le secret était trahi.