Aller au contenu

Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et vous en êtes sortie pour entrer chez Mme de Malvoisine ?

— Oui… pour mon malheur… et je vais vous dire comment.

Le hasard a joué un grand rôle, dans ma vie ; je suis née casanière, je m’attache très vite aux personnes qui m’entourent et cependant je ne puis rester nulle part. C’était ma destinée, sans doute, et je ne suis probablement pas au bout de mes peines.

Je m’étais accoutumée à ma nouvelle existence… plus gaie que celle du couvent. Mme Valbert était excellente pour moi. Mes élèves m’aimaient beaucoup. Je leurs donnais des leçons de musique et de chant très appréciées par elles et par la directrice.

— À quel monde appartenaient-elles ?

— À la bourgeoisie riche. Beaucoup d’entre elles avaient des parents qui venaient les chercher dans des voitures de maître, les jours de sortie. Et toutes, ou presque toutes, étaient en situation de faire de beaux mariages. Elles ne pensaient qu’à cela et elles me parlaient sans cesse de leurs espérances, à moi qui n’espérais rien. C’est en les écoutant que j’ai appris ce qu’était la vie pour les femmes. Je n’en avais aucune idée, et sous ce rapport, j’étais encore une enfant.

Je dois leur rendre cette justice qu’elles ne cherchaient point à m’humilier en faisant allusion au malheur de ma naissance.

— Elles l’ignoraient peut-être.

— C’est vrai. Elles l’ignoraient et elles l’ignorent encore. Mais Mme Valbert le connaissait. La