Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/76

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sauf, lorsqu’on rend le bien d’autrui qu’on a pris, ne l’eût-on gardé qu’un jour ou qu’une heure. Et alors même que vous auriez dit la vérité en affirmant que vous possédiez une somme égale ou supérieure à celle que vous avez perdue, vous n’en seriez pas beaucoup moins coupable d’avoir disposé d’un argent qui aurait dû vous être sacré. J’aurais aimé ne jamais le revoir que d’apprendre que vous vous en êtes servi pour jouer.

Tant pis pour vous, monsieur, si vous ne comprenez pas la gravité d’un pareil acte. Et sachez qu’il n’y a pas deux morales. Il n’y en a qu’une. Est-ce votre père qui vous a enseigné celle que vous me paraissez professer ?

— Je vous défends de parler ainsi de mon père !

— Votre père a été mon ami, et c’est parce qu’il l’a été que j’ai le droit de vous rappeler que, lui aussi, il ne pensait rien au sérieux et qu’il lui en a coûté cher. Il est mort presque ruiné et… presque déconsidéré. Je lui ai pardonné ses erreurs, quoiqu’elles m’aient porté quelque préjudice ; mais je vous déclare qu’il est mort à propos, car s’il avait vécu davantage, Dieu seul sait comment il aurait fini.

Son exemple est une leçon dont vous ferez bien de profiter.

— Assez, monsieur !

— Veuillez m’écouter jusqu’au bout. J’ai encore à vous parler de votre mère. C’est une sainte. Elle a déjà beaucoup souffert. Avez-vous songé au nouveau chagrin que vous allez lui causer ? Cette lettre que je terminais quand vous êtes entré est pour elle. Quand elle apprendra demain que je suis forcé de