Page:Boissay & Flammarion - De Paris à Vaucouleurs à vol d'oiseau, 1873.djvu/12

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logues aux celèbres Cartes des Vents et des Courants, dressées pour la surface de la mer par le commodore Maury. L’exécution de ces cartes ne peut se faire que par la comparaison d’un grand nombre d’observations méthodiques.

Sur la demande de M. l’abbé Moigno, directeur des Mondes, qui a agréé cette idée, M. Giffard a bien voulu mettre à notre disposition son nouveau gaz et les immenses ressources réunies à l’atelier Flaud ; et M. Rampont, député, directeur général des Postes, a consenti de son côté à prêter quelques-uns des aérostats du siége pour commencer cette nouvelle série de recherches. En dernier lieu, s’associant au même ordre d’idées, la compagnie de l’Est a aussi droit à notre reconnaissance pour avoir facilité dans une large proportion notre retour ainsi que celui de l’aéronaute et du matériel.

Presque toujours les ascensions aérostatiques ont eu lieu dans un but d’amusement public et pour cette raison se sont effectuées à l’heure la plus commode pour la foule, dans l’après-midi ; les voyages des ballons postaux avaient lieu de nuit, à cause de la présence de l’ennemi ; quelquefois des aéronautes, partis dans l’après-midi, la soirée ou la nuit, sont restés en l’air jusqu’au jour, mais les ascensions matinales sont très-rares.................

Nous devions partir à l’aurore, le mercredi 11 septembre 1872. Notre aérostat, le Davy, déjà gonflé, achevait de se remplir ; le vaste terrain de l’usine était dans l’ombre, éclairé seulement de temps en temps par les trois fournaises de l’appareil à gaz, quand on en ouvrait les portes ; alors, la vapeur s’échappait avec le fracas d’une cataracte, et ce bruit retentissait formidable dans le silence nocturne de ce quartier désert et lointain ; puis les portes et les robinets se refermaient, la lueur flamboyante s’éclipsait, le bruit strident s’étouffait et l’on n’apercevait plus que la silhouette de l’aérostat se projetant comme un grand cercle noir sur les constellations.

Nous avions autour de nous une vingtaine de vieux amis — les amis éprouvés des jours difficiles — qui avaient bravé la froide rosée de l’aube et la possibilité d’une mauvaise rencontre dans les parages mal hantés du Champ de Mars pour venir nous serrer la main au moment toujours sérieux du départ.

Depuis vingt-cinq heures Godard était sur pied, mettant la main à tout, surveillant tout, attachant de ses mains jusqu’au moindre cordage ; nous le pressions de prendre un instant de repos, il était exténué : « Non, pas en ce moment, je ne dois rien laisser au hasard, j’ai charge de vies ;… plus tard, je dormirai là-haut, »

Peu à peu, le ciel pâlit, le jour se lève — l’instant est proche. Nous