Page:Boissay & Flammarion - De Paris à Vaucouleurs à vol d'oiseau, 1873.djvu/17

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culières qui découpent la campagne en grands rectangles. On peut faire cette remarque : plus le pays est stérile et plus les propriétés sont étendues, car il faut alors une plus grande superficie territoriale pour produire le revenu nécessaire à l’existence d’une famille.

Le sol réverbère une chaleur intense qui nous brûle.

Tout en déjeunant nous causons. Le ballon qui nous emporte, le Davy, a fait le service de la poste pendant le siége de Paris. Parti de la gare d’Orléans le 18 décembre, il descendit entre Nuits et Beaune. Il était monté par MM. Chaumont, matelot-aréonaute, et Descbamps, capitaine de francs-tireurs. Cet aérostat a une capacité de 1 000, et, de la soupape au fond de la nacelle, une hauteur totale de 18 ; c’est l’élévation d’un sixième étage.

Une assez singulière coïncidence, c’est que Flammarion est enlevé aujourd’hui par la sphère volante honorée du grand nom d’Humphry Davy dont il a traduit le livre si beau et si consolant : les Derniers jours d’un philosophe.

Pendant notre causerie nous coupons le chemin de fer d’intérêt local tout récemment inauguré d’Oiry a Romilly, en laissant Sézanne au sud et la Fère-Champenoise au nord.

Vers 9 heures et demie nous fûmes témoins d’un phénomène remarquable : au loin, à notre gauche, nous vîmes une fumée blanche s’élever au-dessus d’une forêt. Au premier instant nous crûmes reconnaître le panache d’une locomotive, tant le développement de la vapeur était rapide, mais au bout de moins d’une minute l’épanouissement de cette buée qui couvrait la forêt ne permettait plus aucun doute, c’était un nuage que nous surprenions dans le secret de sa formation : le soleil, de plus en plus ardent, vaporisait l’humidité des bois et cette humidité se condensait en nuage dans la région supérieure moins chaude. Un second, puis un troisième, puis un quatrième nuage sont engendrés de cette manière ainsi au-dessous de nous sur des terrains boisés plus éloignés.

Depuis quelques instants nous suivions une petite vallée au fond de laquelle brillait un filet d’eau ; çà et là un village se baignait dans le ruisseau et le bruit des moulins hydrauliques montait jusqu’à nous. Ces minces cours d’eau ne pouvaient être que les petits affluents qui forment le Grand-Morin.

À 10 heures nous traversons une longue route droite et blanche, perpendiculaire au sens de notre marche. Un instant d’attention nous permet de nous reconnaître. Nous planons à 1 500 ; le ciel et la terre forment en apparence deux immenses cuvettes légèrement concaves, l’une au-dessous de nous, l’autre au-dessus, se touchant par