Page:Boissière - Propos d’un intoxiqué, 1909.djvu/60

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rouge et crépon noir. Mais en sortant de la chambre, ils reprenaient le vêtement noir des lettrés. L’ancien Tuan-phu aimait à s’isoler dans son appartement secret, à lire de beaux livres, et, chaque nuit, je l’entendais chanter d’interminables poèmes.

Deux merles mandarins, intoxiqués comme lui, étaient cloîtrés à perpétuité dans la chambre. Ils voletaient vers le lit et restaient immobiles, la tête tendue vers le fumeur qui leur soufflait dans le bec la fumée de ses pipes. Les rats et les margouillats s’accoutument également à “ l’odeur âpre et douce ”.

Les fonctionnaires indigènes, avant notre arrivée, se cachaient pour se livrer à l’opium. Ce goût leur valait de mauvaises notes et parfois leur révocation. Le mandarin étant en principe supposé vivre de ses maigres appointements, le fumeur devenait suspect de pressurer le peuple pour satisfaire un goût permis aux seuls hommes riches. Légitime suspicion, à coup sûr : mais cette sévérité, se justifiant par un tel motif, ne semblera-t-elle pas, à qui connaît les mandarins d’Annam, dénoter une âme naïve ?

Cependant tous les Annamites interrogés, nhàqué,