Page:Boissière - Propos d’un intoxiqué, 1909.djvu/65

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sont de vente courante au Tonkin ; que de fois m’a persécuté la sonnerie Clairette, aigrelette, le sautillant martèlement des touches d’acier sur le cylindre de cuivre, l’éternelle valse de Métra, la mélancolique et rance musiquette ! je sais des Européens qui apprêtent l’instrument de torture en s’asseyant pour dîner ; que voulez-vous ? ils veulent manger en musique, et jouir des nobles sensations de l’art. On rencontre aussi, mais rarement, dans certaines fumeries, quelques-uns de ces ineptes tableaux gouachés ou pastellés — de vente, également, au Tonkin — qui rappellent les couvercles des boîtes à bonbons et les vignettes des partitions anodines, et qui représentent les dames rêveuses agitant leur mouchoir vers la mer. Et dire que tant de gens ne connaissent la musique et la peinture que par ces serinettes et par ces croûtes ! Cela fait excuser les demoiselles qui appellent M. Bouguereau un peintre et M. Planquette un musicien.


Juillet 1886.



Depuis une semaine, je délaisse les bouquins longtemps étudiés : j’évoque les plus étranges souvenirs, à travers les magies de l’opium.