Page:Boissière - Propos d’un intoxiqué, 1909.djvu/70

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cuivre, des pipes démontables ; l’appareil complet, avec les aiguilles, les godets pour l’eau, les boîtes en corne de buffle, tient dans une cassette rectangulaire grande comme un livre. Les pipes en écaille viennent de Chine ; au Tonkin, on travaille assez mal l’écaille, qui sert à faire des bibelots mastoc, montures de miroirs, vulgaires coupe-papier, abominables porte-monnaie.

Dans ce pays d’Annam, mon plateau s’enrichit de quelques objets en argent assez grossièrement travaillés : agrafes, boîtes à chaux pour le bétail, ornementation des pipes à eau ; tout cela ne vaut, pas grand-chose, ou plutôt ne vaut guère que proportionnellement à la faculté de rêve dont le possesseur est doué.

Mais, ici, j’ai trouvé en abondance le bois d’aigle, le précieux Ky-nam qui vaut son poids d’or, que les trames du Binh-thân apportent en tribut à l’Annam et qui, réduit en poudre par la râpe et mêlé à l’opium, donne à sa fumée un arrière-goût de santal. Le Kyiam est, au dire des Annamites, l’unique et authentique panacée : disent-ils vrai ? je l’ignore ; mais il éveille le palais blasé du fumeur pour qui son arôme : vogue de prodigieux spectacles, à la cour d’un Genjis Khan ou d’un Hérode, à l’heure où la fête prend fin et où les convives lassés sentent leurs pensées s’alourdir dans l’atmosphère chargée d’hiératiques et d’orgiaques parfums.