Page:Boissière - Propos d’un intoxiqué, 1909.djvu/81

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l’être intelligent ne dédaigne ni ne hait. Oui, le voilà bien constaté, l’abêtissement si souvent nié, et de façon si catégorique dans les précédentes pages. Et les visions nées de l’opium, étions-nous fou de n’y pas croire ! Ces visions, ces cauchemars, ces chimères, ce sont les cruels Mépris, les Orgueils insatiables, les vaines Croyances en notre génie jamais encore manifesté !

Ah ! tout cela, par bonheur, a pris fin ! En vérité, aujourd’hui, il nous prend un désir, par esprit de réaction, de célébrer Bouguereau et les boîtes à musique !

… Avant de signer la dernière page, prosternons-nous devant Sa Divinité l’Opium, la ricaneuse et maigre Idole qui nous a prouvé son surnaturel pouvoir, pendant ces trois années de possession, sans que jamais l’idée de Rébellion ait traversé notre crâne, sans que jamais nous ayons cru à l’existence du joug qui nous accablait. Supplions-le très humblement de nous oublier, puisque nous avons brûlé sur son autel notre part de Ky-nam et de morphine ; ou plutôt, comme les Annamites font parfois pour le Tigre, ne l’invoquons pas, de peur de nous rappeler à lui. D’aucuns riront de la prière ou du motif qui la fait cesser ; mais nous, nous resterons éternellement respectueux et tremblant, parce qu’un jour nous n’avons plus compris