Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/121

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consul, mais il ne parvint pas à l’arracher à ses habitudes de débauches, car le seul exploit qu’on cite de lui, c’est d’avoir jeté son verre à la tête d’Agrippa un jour qu’il était ivre[1].

On comprend quelle douleur dut ressentir Cicéron quand il apprit les premiers désordres de son fils. Je suppose qu’il hésita longtemps à y ajouter foi, car il aimait à s’abuser sur ses enfants. Aussi, lorsque Marcus, sermonné par toute la famille, eut congédié Gorgias et promis d’être plus sage, son père qui ne demandait pas mieux que d’être trompé, s’empressa-t-il de le croire. On ne le voit plus occupé, à partir de ce moment, qu’à supplier Atticus de ne laisser manquer son fils de rien, et à étudier les lettres qu’il reçoit de lui pour essayer d’y découvrir quelques progrès. Il nous reste justement une de ces lettres de Marcus du temps où il semblait revenir à de meilleures habitudes. Elle est adressée à Tiron et pleine de protestations et de repentir. Il se déclara si humilié, si tourmenté de toutes ses erreurs, « que non seulement son âme les déteste, mais que ses oreilles n’en peuvent plus entendre parler. » Pour achever de le convaincre de sa sincérité, il lui fait le tableau de sa vie ; il est impossible d’en voir une mieux occupée. Il passe les jours et presque les nuits avec le philosophe Cratippe, qui le traite comme un fils. Il le garde à dîner pour s’en priver le moins possible. Il est si ravi des doctes entretiens de Bruttius qu’il a voulu l’avoir tout près de lui, et qu’il lui paye le couvert et le vivre. Il déclame en latin, il déclame en grec avec les plus savants rhéteurs. Il ne fréquente plus que des hommes instruits ; il ne voit que de doctes vieillards, le sage Épicrate, le vénérable Léonidas, tout l’aréopage enfin, et ce récit édifiant se termine par ces mots :

  1. Pline, Hist. nat., XIV, 22.