Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/132

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ceux dont Cicéron dit qu’ils connaissaient tous les chemins par où l’argent peut arriver, omnes vias pecuniæ norunt[1]. Il faisait toutes sortes d’affaires et avec un égal bonheur ; il entreprenait beaucoup lui-même et s’associait souvent aux entreprises des autres. Il prenait à ferme les impôts publics ; il prêtait aux particuliers, aux provinces et aux rois. Généreux autant que riche, il faisait profiter ses amis de sa fortune. Il créait des emplois pour eux, les intéressait dans ses affaires et leur donnait une part de ses bénéfices. Aussi sa popularité était-elle très grande à Rome ; mais, comme il arrive, sa prospérité le perdit. Il avait prêté beaucoup d’argent au roi d’Égypte, Ptolémée Aulète, qui probablement lui payait de bons intérêts. Ce roi s’étant fait chasser par ses sujets, Rabirius fut entraîné à lui faire des avances nouvelles pour rattraper son argent compromis. Il engagea sa fortune et même celle de ses amis pour fournir à ses dépenses ; il défraya les magnificences du cortége royal quand Ptolémée vint à Rome demander l’appui du sénat, et, ce qui dut lui coûter plus cher encore, il lui donna les moyens de gagner les sénateurs les plus influents. L’affaire de Ptolémée paraissait sûre. Comme on espérait beaucoup de la reconnaissance du roi, les personnages les plus importants se disputaient l’honneur ou plutôt le profit de le rétablir. Lentulus, alors proconsul de Cilicie, prétendait qu’on ne pouvait pas le lui refuser ; mais en même temps Pompée, qui recevait le jeune prince dans sa maison d’Albe, le réclamait pour lui. Ces rivalités firent tout manquer. Les intérêts opposés se contrarièrent, et, pour ne pas faire de jaloux en laissant quelqu’un profiter de cette heureuse occasion, le sénat ne voulut l’accorder à personne. On dit qu’alors Rabirius, qui connaissait bien les Romains, donna au roi le

  1. Ad Quint., I, 1.