Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/150

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de Rome ou aux bords de la mer, dont l’entretien ruinait Cicéron. Il prêtait encore quelquefois de l’argent, mais, à ce qui semble, plutôt pour obliger que pour s’enrichir. Il avait soin du reste de choisir des personnes sûres, et il se montrait sans pitié le jour de l’échéance. C’était par intérêt pour elles, disait-il, qu’il agissait ainsi, car, en tolérant leur négligence, on les encourage à se ruiner. Quant à ceux avec lesquels son argent eût couru quelques risques, même ses plus proches parents, il ne se gênait pas pour les éconduire. Cicéron, en lui racontant un jour que leur neveu commun, le jeune Quintus, est venu le trouver et qu’il a essayé de l’émouvoir par le tableau de sa misère, ajoute : « J’ai pris alors quelque chose de votre éloquence ; je n’ai rien répondu. » Le moyen était bon, et Atticus a dû l’employer plus d’une fois à l’égard de son beau-frère et de son neveu, qui étaient toujours sans argent. Pour lui, il avait su se faire à peu de frais une grande existence. Il vivait dans sa maison du Quirinal, qui était plus spacieuse et plus commode à l’intérieur que belle d’apparence, et qu’il réparait le moins possible, parmi les objets d’art qu’il avait choisis en Grèce et les esclaves lettrés qu’il avait pris soin de former lui-même et que tout le monde lui enviait. Il réunissait souvent les gens d’esprit de Rome dans des repas ou l’on faisait surtout, à ce qu’il semble, grande chère d’érudition. Sa munificence ne lui coûtait guère, s’il est vrai, comme le prétend Cornélius Nepos, qui avait vu ses comptes, qu’il ne dépensait que 3,000 as (150 francs) par mois pour sa table[1]. Cicéron, toujours indiscret, raconte qu’on y servait des légumes fort ordinaires sur des plats très précieux[2] ; mais qu’importe ? tout le monde s’estimait

  1. T. Pomp. Att., 43. Tous les détails qui précèdent sont tirés de cette vie d’Atticus par Cornélius Nepos.
  2. Ad Att., VI, 1.