Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/207

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défaite. Il n’a plus de confiance ni d’espoir en personne, toute résistance lui paraît inutile ; il ne compte même plus sur le réveil de l’esprit patriotique, et il ne lui vient point à la pensée de faire un appel suprême à la jeunesse républicaine des municipes italiens. À chaque pas que son ennemi fait en avant, il recule davantage. Brindes même, avec ses fortes murailles, ne le rassure pas ; il songe à quitter l’Italie et ne se croit en sûreté que s’il parvient à mettre la mer entre César et lui.

Cælius n’avait pas attendu si tard pour se déclarer. Avant même que la lutte fût engagée, il lui avait été facile de voir de quel côté était la force et où serait la victoire. Il avait alors fait hardiment volte-face, et s’était mis au premier rang parmi les amis de César. Il se déclara en soutenant avec sa vigueur ordinaire la proposition de Calidius, qui demandait qu’on renvoyât Pompée dans sa province d’Espagne. Quand l’espoir d’une solution pacifique fut tout à fait perdu, il quitta Rome avec ses amis Curion et Dolabella, et vint trouver César à Ravenne. Il le suivit dans sa marche triomphale à travers l’Italie ; il le vit pardonner à Domitius, qui s’était fait prendre dans Corfinium, poursuivre Pompée et l’enfermer étroitement dans Brindes. C’est dans l’enivrement de ces succès rapides qu’il écrivait à Cicéron : « Avez-vous jamais vu d’homme plus sot que votre Pompée, qui nous jette dans de si grands troubles et y tient une conduite si puérile ? Au contraire, avez-vous rien lu, rien entendu qui surpasse l’ardeur de César dans l’action et sa modération dans la victoire ? Que pensez-vous donc de nos soldats qui, au plus fort de l’hiver, malgré les difficultés d’un pays sauvage et glacé, ont fini la guerre en se promenant[1] ? »

Une fois qu’il se fut engagé lui-même, Cælius n’eut

  1. Ad fam., VIII, 15.