Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/226

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sagère, et il suffit de quelques cavaliers qui traversaient Rome par hasard pour le faire rentrer dans l’ordre. Le consul Servilius fut armé par le sénat de la fameuse formule qui suspendait tous les pouvoirs légaux et concentrait l’autorité dans une seule main. Aidé de ces troupes de passage, il défendit à Cælius d’exercer les fonctions de sa charge, et, comme Cælius résistait, il fit briser sa chaise curule[1] et l’arracha de la tribune, d’où il ne voulait pas descendre. Cette fois le peuple resta tranquille, et pas une voix ne répondit à celle qui essayait de réveiller dans ces âmes éteintes les anciennes passions. Cælius rentra chez lui la rage dans le cœur. Après un déshonneur aussi public, il ne pouvait plus rester dans Rome. Aussi s’empressa-t-il de la quitter, disant à tout le monde qu’il allait s’expliquer avec César ; mais il avait bien d’autres projets. Puisque Rome l’abandonnait, Cælius allait essayer de soulever l’Italie et de renouveler la guerre sociale. C’était une entreprise audacieuse, et cependant avec l’aide d’un homme intrépide, dont il s’était ménagé l’appui, il ne désespérait pas d’y réussir. Il y avait alors en Italie un ancien conspirateur, Milon, qui s’était fait redouter par ses violences pendant cette anarchie qui suivit le consulat de Cicéron. Condamné plus tard pour assassinat, il s’était réfugié à Marseille. César, en rappelant tous les bannis, avait excepté celui-là, dont il redoutait l’audace incorrigible ; mais, sur l’invitation de Cælius, il était revenu en cachette et attendait les événements. Cælius alla le trouver,

  1. Un détail très curieux, conservé par Quintilien, nous apprend qu’au milieu de ces graves affaires, dans lesquelles il jouait sa vie, Cælius conservait la légèreté de son caractère et son humeur railleuse. Après que sa chaise curule eut été brisée, il en fit construire une autre tout en lanières de cuir et l’apporta au consul. Tous les spectateurs éclatèrent de rire. On racontait que Servilius avait, dans sa jeunesse, reçu les étrivières.