Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/284

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Enfin, après un séjour de près d’une année dans cette ville bruyante et empestée, il lui fut permis de quitter Brindes. Il revint dans ses belles maisons de campagne qu’il aimait tant et où il avait été si heureux ; il retrouva ses livres, il reprit ses études interrompues, il put goûter de nouveau ces biens précieux dont on jouit sans y songer quand on les possède, et qu’on ne commence à apprécier que lorsqu’on les a un moment perdus, la sécurité et le repos. Rien n’égala jamais pour lui le charme de ces premiers jours passés tranquillement à Tusculum après tant d’orages, et de ce retour aux calmes plaisirs de l’esprit, pour lesquels il sentait bien alors qu’il était véritablement fait. « Sachez, écrivait-il à son ami Varron, que depuis mon retour je me suis réconcilié avec mes vieux amis, je veux dire avec mes livres. À la vérité, si je les fuyais, ce n’est pas que je fusse irrité contre eux, mais je ne pouvais les voir sans quelque confusion. Il me semblait qu’en m’engageant dans des affaires si agitées, avec des alliés douteux, je n’avais pas suivi assez fidèlement leurs préceptes. Ils me pardonnent, ils me rappellent à leur compagnie ; ils me disent que vous avez été plus sage que moi de ne point les quitter. À présent que je suis rentré en grâce avec eux, j’espère bien qu’il me sera plus facile de supporter des maux qui nous accablent et ceux dont nous sommes menacés[1].

Sa conduite était désormais toute tracée. Il devait au grand parti qu’il avait servi et défendu de se tenir en dehors du gouvernement nouveau. Il lui fallait chercher dans la philosophie et les lettres un emploi utile de son activité, et se créer une retraite honorable loin des affaires publiques, dont il ne pouvait plus s’occuper avec honneur. Il l’avait bien compris lorsqu’il disait : » Conser-

  1. Ad fam., IX, 1.