Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/314

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ordinaire des mécontents. « On se battit autour du corps de Caton, dit M. Mommsen, comme à Troie on s’était battu autour du cadavre de Patrocle. » Fabius Gallus, Brutus, Cicéron, et beaucoup d’autres sans doute que nous ne connaissons pas, écrivirent son éloge. Cicéron commença le sien à la demande de Brutus. Il fut d’abord rebuté par la difficulté du sujet : « c’est un ouvrage d’Archimède, disait-il[1] ; » mais en avançant il prit goût à son travail, et il l’acheva avec une sorte d’enthousiasme. Ce livre n’est pas arrivé jusqu’à nous ; nous savons seulement que Cicéron y faisait une apologie complète et sans réserve de Caton : « il l’élève jusqu’aux cieux[2], » dit Tacite. Ils avaient été cependant plus d’une fois en désaccord, et il en parle sans beaucoup de ménagements dans plusieurs endroits de sa correspondance ; mais, comme il arrive, la mort raccommoda tout. D’ailleurs Cicéron, qui se reprochait de n’avoir pas assez fait pour son parti, était heureux de trouver une occasion de lui payer sa dette. Son livre, que recommandaient à la fois le nom de l’auteur et celui du héros, eut un si grand succès que César en fut inquiet et mécontent. Il se garda bien cependant de laisser voir sa mauvaise humeur ; au contraire, il s’empressa d’écrire une lettre flatteuse à Cicéron pour le féliciter du talent qu’il avait déployé dans son ouvrage. « En le lisant, lui disait-il, je sens que je deviens plus éloquent[3]. » Au lieu d’employer aucune mesure de rigueur, comme on pouvait le craindre, il pensa que la plume seule, suivant l’expression de Tacite, devait venger les attaques que la plume avait faites. Par son ordre, son lieutenant et son ami Hirtius adressa à Cicéron une longue lettre, qui fut publiée, et dans laquelle il discutait son livre. Plus tard, comme cette réponse ne fut pas

  1. Ad Att., XII, 4.
  2. Annales, IV, 34.
  3. Ad Att., XIII, 46.