Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/32

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tres sont pleines de témoignages de respect et d’amitié. Si la correspondance remontait plus haut, il est probable que nous en aurions aussi de Catilina ; et, franchement, je les regrette ; car, si l’on veut bien juger de l’état d’une société comme du tempérament d’un homme, il ne suffit pas d’examiner les parties saines, il faut manier et sonder jusqu’au fond les parties impures et gâtées. Ainsi tous les hommes importants de cette époque, quelque conduite qu’ils aient tenue, de quelque parti qu’ils soient, ont fréquenté Cicéron. Le souvenir de tous se retrouve dans sa correspondance. Quelques-unes de leurs lettres existent encore ; on a une grande partie de celles que Cicéron leur a écrites. Les détails intimes qu’il nous donne sur eux, ce qu’il nous dit de leurs opinions, de leurs habitudes, de leur caractère nous permet d’entrer familièrement dans leur vie. Grâce à lui, tous ces personnages que l’histoire nous dépeint confusément reprennent leur figure originale ; il semble les rapprocher de nous, il nous fait faire connaissance avec eux ; et quand nous avons lu sa correspondance, nous pouvons dire que nous venons de visiter toute la société romaine de son temps.

Le but qu’on se propose dans ce livre est d’étudier de près quelques-uns de ces personnages, ceux surtout qui ont été le plus mêlés aux grands événements politiques de cette époque. Mais avant de commencer cette étude, il est une ferme résolution qu’il convient de prendre : c’est de n’y pas trop apporter les préoccupations de notre temps. Il est assez d’usage aujourd’hui d’aller demander à l’histoire du passé des armes pour les luttes du présent. Le succès est aux allusions piquantes, aux rapprochements ingénieux. Peut-être l’antiquité romaine n’est-elle tant à la mode que parce qu’elle fournit aux partis politiques un champ de bataille commode, et surtout moins dangereux, où sous des costumes anciens