Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/407

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Aussi continue-t-il à jouer pour nous la même comédie de modération et de désintéressement. Il affecte, par exemple, d’insister autant sur les honneurs dont il n’a pas voulu que sur ceux qu’il a acceptés. « Pendant le consulat de M. Marcellus et de L. Arruntius, dit-il, lorsque le sénat et le peuple me demandèrent de prendre le pouvoir absolu[1], je ne l’acceptai pas. Mais je n’ai pas refusé de me charger de la surveillance des vivres dans une grande disette, et par les dépenses que j’ai faites, j’ai délivré le peuple de ses frayeurs et de ses dangers. Comme, en récompense, il m’offrait le consulat annuel ou à vie, je l’ai refusé. » Ce n’est pas le seul hommage qu’il rende à sa modération. Il est question plus d’une fois encore des honneurs ou des présents qu’il n’a pas voulu accepter. Mais voici vraiment qui passe les bornes : « Dans mon sixième et mon septième consulat, après avoir étouffé les guerres civiles, quand l’accord de tous les citoyens me livrait le pouvoir suprême, j’ai remis le gouvernement de la république aux mains du sénat et du peuple. En récompense de cette action, j’ai été appelé Auguste par un sénatus-consulte, ma porte a été entourée de lauriers et surmontée d’une couronne civique, et l’on a placé dans la curie Julia un bouclier d’or avec une inscription qui disait qu’on m’avait accordé cet honneur pour rendre hommage à ma vertu, à ma clémence, à ma justice et à ma piété. À partir de ce moment, quoique je fusse au-dessus des autres en dignité, dans les magistratures dont j’étais revêtu, je ne me suis jamais attribué plus de pouvoir que je n’en laissais à mes collègues. » Ce curieux passage fait voir combien les inscriptions pourraient tromper si l’on se fiait aveuglément à elles. Ne semble-t-il pas que l’on serait en droit

  1. Il y a quelque apparence, d’après un passage de Suétone (Auguste, 52), que ce que le texte grec de l’inscription appelle le pouvoir absolu (αύτεξουιός άρχή) était la dictature.