Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient d’accord en un point ils cherchaient la grandeur de Rome. Sur ce terrain, qui leur était commun, Auguste essaya de faire la réconciliation du passé avec le présent. Lui aussi avait embelli Rome, défendu ses frontières, agrandi son empire, fait respecter son nom. Il avait poursuivi et complété cette œuvre à laquelle on travaillait depuis sept siècles. Il pouvait donc se dire le continuateur et l’héritier de tous ceux qui y avaient mis la main, des Caton, des Paul-Émile, des Scipion, et se mettre dans leur compagnie. Il n’y manqua pas lorsqu’il fit construire le forum qui portait son nom ; nous savons par Suétone que, sous ces portiques élevés par lui et pleins du souvenir de ses actions, il fit ranger tous les grands hommes de la république, en costume de triomphateurs. C’était le comble de l’habileté ; car, en les associant à sa gloire, il prenait une part de la leur, et il tournait ainsi à son profit la grandeur du régime politique qu’il avait renversé.

Ces compensations qu’Auguste offrait aux Romains en échange de leur liberté semblent leur avoir suffi. Tout le monde s’habitua vite au gouvernement nouveau, et l’on peut dire qu’Auguste régna sans opposition. Les complots, qui plus d’une fois menacèrent sa vie, étaient le crime de quelques mécontents isolés, de jeunes étourdis qu’il avait disgraciés, ou d’ambitieux vulgaires qui voulaient sa place ; ce n’était pas l’œuvre des partis. Et même peut-on dire qu’il y eût encore des partis en ce moment ? Ceux de Sextus Pompée et d’Antoine n’avaient pas survécu à la mort de leurs chefs ; et depuis Philippes il n’y avait guère plus de républicains. À partir de ce moment, c’est un axiome adopté de tous les esprits sages que le vaste corps de l’empire ne peut plus se tenir debout ni en équilibre, sans quelqu’un qui le dirige. Seuls, quelques obstinés, qui ne sont pas convertis encore, écrivent, dans les écoles, des déclamations