Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/45

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opinion a été fort attaquée. M. Mommsen la trouve aussi peu conforme à la philosophie qu’à l’histoire. Il est certain qu’à la prendre dans sa rigueur elle est plus patriotique que juste. C’est aller bien loin que de nous donner la constitution romaine pour un modèle irréprochable et de fermer les yeux sur ses défauts au moment où elle périssait par ses défauts mêmes. Cependant il faut bien reconnaître qu’avec toutes ses imperfections elle n’en était pas moins une des plus sages des temps anciens, qu’aucune peut-être n’avait fait encore autant d’efforts pour satisfaire aux deux grands besoins des sociétés, l’ordre et la liberté. On ne peut pas nier non plus que son principal mérite ne consiste à essayer, de réunir les diverses formes de gouvernement et à les concilier ensemble malgré leurs oppositions apparentes : Polybe l’avait aperçu avant Cicéron ; et ce mérite, elle le tient de son origine même et de la façon dont elle s’est formée. Les constitutions de la Grèce avaient été presque toutes l’improvisation d’un homme ; celle de Rome fut l’œuvre du temps. Cette pondération savante des pouvoirs qu’admirait tant Polybe n’avait pas été imaginée par une volonté prévoyante. Il ne s’était pas trouvé un législateur aux premiers temps de Rome qui réglât d’avance la part que chaque élément social devait avoir dans la combinaison générale ; c’étaient ces éléments qui se l’étaient faite à eux-mêmes. Les séditions plébéiennes, les luttes acharnées du tribunat contre les patriciens, qui épouvantaient Cicéron, avaient précisément contribué plus que tout le reste à achever cette constitution qu’il admire. Après un combat de près de cieux siècles, quand ces forces opposées s’aperçurent qu’elles ne pouvaient pas se détruire, elles se résignèrent à s’unir, et des efforts qu’elles firent pour s’accommoder ensemble sortit un gouvernement imparfait sans doute, — peut-il y en avoir de parfait ? — mais qui n’en reste pas