Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/95

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moyens, fort commodes pour les gens pressés de s’enrichir, ne pouvaient être pratiqués que de ceux qui n’avaient pas d’ambition politique ; ils éloignaient des honneurs publics, et par conséquent ils ne convenaient pas à un homme qui aspirait à gouverner son pays. On ne voit pas non plus qu’il ait fait comme Pompée, qui engageait ses fonds dans une société de banque importante, et qui prenait part à ses bénéfices ; au moins ne reste-t-il aucune trace, dans ses lettres, d’entreprises de cette nature. Il ne pouvait pas songer davantage à tirer parti pour sa fortune des beaux ouvrages qu’il composait. Ce n’était pas l’habitude alors que l’auteur les vendît à un libraire, ou plutôt l’industrie des libraires, comme nous l’entendons aujourd’hui, existait à peine. Ordinairement ceux qui voulaient lire ou posséder un livre l’empruntaient à l’auteur ou à ses amis, et le faisaient copier par leurs esclaves. Quand ils avaient plus de copistes qu’il ne leur en fallait pour leur usage, ils les faisaient travailler pour le public et vendaient les exemplaires dont ils n’avaient pas besoin ; mais l’auteur n’avait rien à voir aux profits qu’ils en tiraient. Enfin ce n’étaient pas les fonctions publiques qui pouvaient enrichir Cicéron ; on sait qu’elles étaient moins un moyen de fortune qu’une occasion de dépenses et de ruine, soit par le prix dont il fallait quelquefois les payer, soit par les jeux et les fêtes qu’on exigeait de ceux qui les avaient obtenues. Seule l’administration des provinces donnait d’immenses bénéfices. C’est sur ces bénéfices que les grands ambitieux comptaient d’ordinaire pour réparer les dommages que le luxe de leur vie privée et les profusions de leur vie publique avaient faits à leur fortune. Or, Cicéron s’en priva lui-même en cédant à son collègue Antoine la province que, selon l’usage, il devait gouverner après son consulat. À la vérité on soupçonne qu’il fit alors avec lui quelque