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l’académie française sous l’ancien régime.

gens de lettres un peu distingués de se faire admettre à l’Académie. C’était, disait-on[1], une manière d’avoir un état, et un homme sans état était presque alors un homme sans aveu, c’est-à-dire exposé à des vexations de toute sorte. On n’y pouvait échapper qu’à la condition de tenir à des corps, à des compagnies ; « car là où la société générale ne vous protège point, il faut bien être protégé par des sociétés partielles ; là où l’on n’a pas de concitoyens, il faut bien avoir des confrères ; là où la force publique n’était souvent qu’une violence légale, il convenait de se mettre en force pour la repousser. Quand les voyageurs redoutent les grands chemins, ils se réunissent en caravane ». Heureusement tout va changer. On se flatte que la Révolution qui s’approche assurera au génie le libre exercice et l’utile emploi de ses facultés. Elle va mettre l’homme de lettres en état de se protéger lui-même, ce qui vaut mieux que d’attendre la protection des autres. Que gagnerait-il désormais à se parquer dans des Académies ? « C’est aux moutons à s’attrouper, dit Rivarol ; les lions s’isolent. » La phrase est belle, mais c’est

  1. Je reproduis l’opinion de Chamfort, dans son Discours sur les Académies. Cf. Registres, IV, p. 176.