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l’académie française au XVIIe siècle.

donnaient ce sens droit qui de lui-même choisit les mots et les tours les plus conformes au génie naturel de notre langue. Vaugelas s’est mis à leur école. C’est en les écoutant qu’il a rédigé ses Remarques sur la langue française livre excellent, où le XVIIe siècle s’est formé, que Racine emportait avec lui quand il quittait Paris, qu’il lisait et annotait à Uzès, pour être sûr de ne pas désapprendre à parler français.

Vaugelas s’occupa dix ans du dictionnaire et le poussa jusqu’à la lettre I. Sa mort fut une grande perte pour l’Académie. Pour comble de malheur, comme il avait, suivant le mot ingénieux de Pellisson, « beaucoup moins de bien que de mérite », ses créanciers saisirent tous les papiers qu’on trouva chez lui, et le dictionnaire avec eux. Il fallut plaider pour le ravoir, ce qui perdit du temps. Quand on se remit à l’ouvrage, l’ardeur primitive s’était fort attiédie. Le travail marcha si lentement que Colbert, qui aimait qu’on allât vite en besogne, finit par se fâcher. On raconte qu’il vint un jour à l’Académie, où il n’était pas attendu, très disposé à faire des remontrances à ses confrères et à leur reprocher leurs lenteurs. Mais quand il vit par lui-même combien il est difficile de