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l’académie française au XVIIe siècle.

deux places étant venues à vaquer, il fut nommé avec l’abbé Bignon, neveu de Pontchartrain. L’élection de Bignon, qui n’avait presque rien écrit, sembla très légitime à tout le monde ; celle de La Bruyère surprit tellement ses adversaires qu’ils prétendirent « qu’il n’avait réussi que grâce aux plus fortes brigues qu’on eût jamais faites[1] ».

Ils étaient donc déjà fort irrités de son succès ; mais ce qui devait porter leur colère au comble, c’est ce qui se passa dans la séance où il fut reçu. Les réceptions académiques commençaient à être des événements littéraires ; on était d’autant plus empressé à y assister qu’il était plus difficile d’y être admis. On a vu que, depuis 1672, l’Académie était installée au Louvre ; elle y occupait deux grandes pièces du rez-de-chaussée qui font partie aujourd’hui du musée de la sculpture française et s’appellent la salle de Puget et celle des Coustou.

  1. La Bruyère se défend avec une grande vivacité, dans son discours de réception, d’avoir eu recours à aucune brigue : « Il n’y a ni poste, ni crédit, ni richesses, ni titres, ni autorité, ni faveur, qui ait pu vous plier à faire ce choix : je n’ai rien de toutes ces choses, tout me manque » On a pourtant trouvé, dans les papiers de Renaudot, une lettre de Pontchartrain, qui lui demande sa voix pour La Bruyère et pour Bignon. Mais rien ne prouve que La Bruyère ait demandé à Pontchartrain de l’écrire, ou que Pontchartrain ne l’ait pas fait surtout pour Bignon, son neveu.