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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

des troupes actuelles à mes vieux vrais soldats de Crimée, rapides, endurcis, intelligents, achevés enfin ; mais si l’on songe à la difficulté qu’il y avait à donner quelque consistance à une foule bigarrée et troublée, composée de soldats battus et démoralisés, de mobiles qui ne se prenaient pas au sérieux, de gardes nationaux qui donnaient dans l’excès contraire, et de quelques marins qui seuls se trouvaient en bonnes conditions de corps et d’esprit ; si l’on se souvient que les officiers, même mauvais, manquaient, on est forcé d’admirer le résultat, tout imparfait qu’il soit encore. Quoi qu’il arrive, ce sera la gloire de Trochu de n’avoir pas désespéré d’amalgamer tout cela et d’avoir réussi, du moins, à en faire des bataillons capables de manœuvrer.

En ce moment-ci, le plaisir nouveau des Parisiens est de prendre le chemin de fer de ceinture et d’aller… si loin qu’il veut bien ou peut bien les mener. Hier, ayant par hasard deux heures de loisir, j’ai suivi le courant et me suis fait conduire au Point-du-Jour, d’où les nôtres lançaient quelques obus sur les batteries prussiennes de Meudon. Je suis revenu par les bateaux-omnibus. Les berges de la Seine sont envahies par des pelotons de tambours et de trompettes s’exerçant à qui mieux mieux. C’est un charivari infernal. Je ne savais pas à quoi je m’exposais en prenant ce chemin. Et pourtant, c’est encore une des formes du zèle de la défense !