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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

sien qui sortait de Rully ; il nous suivait, il prenait la même route que nous !

La vraie peur me vint alors. C’était effrayant de voir marcher ces hommes en colonne serrée sur nous, contre nous, après ce que nous savions.

«Sauvons-nous, François, fouettez ! vite, vite !…

— Nous les ferions courir après nous, fit-il ; faut avoir l’air tranquille. »

Et il ne mit le cheval qu’à son petit trot. Oh ! que ce fut long ! Robert avait vu les Prussiens, et son exaltation me faisait peur. Heureusement qu’ils allaient seulement au pas ; nous gagnions sur eux, et peu à peu nous avons augmenté notre vitesse.

Maman ne savait rien, et nous avons manqué lui faire bien mal en la surprenant par nos sanglots et nos récits incohérents. Elle ne comprenait pas plus que nous un meurtre semblable dans de telles circonstances et a assuré que l’assassin ne pouvait être qu’un fou.

Ce matin elle est allée voir le cabaretier de Rully, elle rentre à l’instant. Le médecin était près de la malheureuse femme qui achevait d’expirer. Son mari veut partir et se faire franc-tireur. Il paraît qu’après ce fatal coup de pistolet, au moment même où nous prenions la fuite, le commandant prussien a placé le soldat coupable sous la garde de deux de ses camarades et a fait annoncer qu’il serait puni. Les habitants de Rully, terrifiés, ont laissé la co-