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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

victoire, apporté par le journal, lui rendait un peu d’aplomb et qu’il n’était pas fâché de voir quelle figure faisaient nos occupants.

J’ai guetté son retour, mais je l’ai trouvé désappointé. Les Prussiens n’ont montré ni surprise ni inquiétude, ils prétendent que l’évacuation d’Orléans est une ruse de guerre de von der Thann ; que, s’il a quitté la ville, c’est qu’il l’a bien voulu, et qu’évidemment il ne tardera pas à y rentrer. D’ailleurs, Frédéric-Charles arrive avec les troupes qui assiégeaient Metz ; si von der Thann a besoin de secours, il en aura tant et plus. Tout cela se dit sans passion, sans animation, la pipe entre les dents.

François était vexé que la victoire où était M. André n’eût pas produit plus d’effet. Il ne rattrape sa confiance qu’en supposant que les Prussiens ont ordre de cacher leurs appréhensions. Pour moi, je ne sais que penser, ou plutôt, je ne pense pas, j’attends, j’attends un mot de toi, je prie, et je suis reconnaissante de ce que Dieu veut bien accorder du moins un encouragement à nos armes.

Dans notre vie si calme, si monotone, si réduite, où chaque lendemain, durant des semaines, peut ressembler à la veille, il y a cependant quelquefois des émotions violentes.

C’était un soir, vers quatre heures, maman revenait avec nous d’une promenade rapide dans le parc. Les enfants auraient voulu aller en bateau, mais nos