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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Monsieur de Vineuil à Robert de Vineuil.
Paris, 24 novembre.

Même assiégés, les papas n’oublient pas les jours de naissance de leurs enfants, mon cher garçon, et je pense bien à toi. Ce sera une date dans ta vie, date assombrie et douloureuse, que celle de cette arrivée de tes dix ans, à l’heure où l’ennemi vainqueur couvre la moitié peut-être de ton pays, où ton père est assiégé, tes frères sous les armes, et où ta mère, malgré son grand courage, ne peut vous cacher ce qu’elle souffre. Eh bien, il faut t’en souvenir toujours, de cette date et de ce qui la rend si triste. Il faut t’en souvenir non pas pour haïr les Prussiens, ce qui ne serait pas bien, ne servirait à rien, et d’ailleurs serait trop facile, mais il faut t’en souvenir pour aimer ton pauvre pays affligé et prendre devant Dieu la ferme résolution d’être l’un de ceux qui le consoleront et le relèveront ; car il y aura place pour toi à ce grand travail, et il te faut dès à présent vivre sur cette pensée : que Robert de Vineuil doit se rendre digne de travailler un jour pour son pays.

Tu apprenais l’histoire de France quand je t’ai quitté, et tu trouvais du Guesclin et Dunois heureux