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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

fille de basse-cour a découvert un reste du pain bis que l’on fait pour les poulets : nous avons pu déjeuner passablement. À midi, deux volontaires sont arrivés ; nous leur avons fait apporter au perron du lard et du vin, et nous essayerons, s’il nous en revient, de maintenir cette habitude. Ceux-là partis, deux hussards de Bismarck apparaissent. Ils ne parlaient pas du tout français, et Adolphe, comprenant qu’ils demandaient l’hôtel de ville, s’agitait fort de ne pouvoir les satisfaire : enfin nous avons découvert que c’était leur manière de dire : bouteille de vin. Ils sont partis dans la direction du vieux pont et ont demandé du pain à la fille de basse-cour.

Heureusement que le nombre des Allemands diminue sur la route. Cadet, le garde, dont tu sais que la maison domine la plaine, nous dit que ce sont surtout des voitures chargées de réquisitions qui défilent maintenant. Sacs de farine, d’avoine, de blé, menu bétail, couvertures pillées à Nogent et à Brou, voilà ce qui remplit les grands chariots que les Prussiens emmènent du côté de Montharville.

À quatre heures et demie pourtant, cinq soldats nous arrivent réclamant un capitaine que nous n’avons point vu. Ils sont furieux. Nous apprenons que c’était le corps du prince Frédéric-Charles qui passait hier ici de une heure à cinq heures. On évalue à 20,000 hommes la colonne qui a suivi notre route, infanterie, cavalerie, artillerie. On dit qu’un même