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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

trouvés de l’autre côté. D’abord nous n’étions que quatre, et trop entourés d’Allemands pour pouvoir tirer ; nous avons crossé, littéralement. Les camarades sont arrivés juste à temps, les Bavarois revenaient sur nous. L’amiral m’a parlé et veut que je sois médaillé ou lieutenant. Je sais que vous en serez contente, chère maman, je voudrais tant que mon père le sût aussi !

Les mobiles de Loir-et-Cher ont dû avoir comme nous du tirage, ils ont pris Faverolles à la baïonnette. Il me tarde de savoir le fils Barbier intact aussi bien que moi. Heureusement pour nos blessés que le château de Villepion avait été installé en ambulance par l’ennemi, rien n’y manque. Nos pertes ne sont pas très-considérables, dit-on, mais les blessures par éclats d’obus sont affreuses.

Adieu, ma bien chère maman, je dors tout en vous écrivant. Je pense à notre tranquille maison, à ces prés verts, à ces grands peupliers que jamais canon n’a émus ; les petits sont couchés à cette heure, vous êtes près du feu, Berthe vous lit tout haut et vous lui dites qu’elle bredouille… Ah ! chère maman, quel bonheur que vous ne sachiez pas que nous allons recommencer demain !