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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/23

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

très-rouge, je pense que tu n’as pas bien fait de ne rien dire à ces gens sur leur devoir, ils se sauvent et ils font sauver les autres ; c’est très-lâche, tout ça. Moi je ne voudrais jamais faire croire aux Prussiens que j’ai peur d’eux.

— Mon garçon, si tu avais femme et enfants, tu te sauverais peut-être aussi pour les sauver.

— Non, certes, je me mettrais derrière un fossé sur le chemin des Prussiens avec plusieurs fusils chargés, je les attendrais et je les tuerais à mesure qu’ils passeraient. »

Une grosse pluie est survenue et nous a fait rentrer, non sans donner une pensée à cette petite charrette, seul abri maintenant d’une famille naguère heureuse.

Et se dire que tant d’autres dans la situation de celle-là défilent presque toute la journée !

J’ai songé au reproche de Robert. L’ai-je mérité ? Comme c’est difficile, le devoir ! Je ne crois pourtant pas que j’aurais dû faire de la morale à cet homme qui a trois fois mon âge ; mais il y a de bonnes choses que j’aurais pu dire, seulement ces grandes détresses-là causent une sorte de terreur ; on n’avait rien imaginé de semblable auparavant ; on les contemple et on reste muet. Qu’il plaise à Dieu de me rendre bonne à quelque chose !