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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

je crois, depuis que l’enlèvement des malades de Mlle de *** lui avait été conté :

« Cela ne peut plus durer comme cela, nous dit-il. Je crois à chaque minute qu’un de ces dénaturés-là va vous venir querir chez moi. Cela me paraîtrait comme si je vous livrais moi-même. En ce moment-ci, il est à croire que nos troupes ne sont pas loin ; hier on se battait à deux lieues. Il y a une chance à courir. Qui ne risque rien n’a rien.

« Je crois que j’ai le moyen de vous sortir de Vendôme. Une fois dans la campagne, je connais tous les buissons, de nuit comme de jour il m’est facile de vous piloter. Quand même il nous faudrait un peu pâtir avant de nous retrouver à l’abri, eh bien, ne croyez-vous pas que le jeu en vaille la chandelle ? »

C’est comme cela qu’il parle, notre dentiste, chère maman ; mais voyez comme il agit ! car, vous le pensez bien, il risquait sa vie pour nous. Surpris nous faisant évader, il était fusillé aussi rapidement que nous-mêmes.

Cette nuit-là, il nous fit sortir un à un de chez lui et nous conduisit à cinquante pas seulement, dans une petite cour, au bord du Loir, juste au pied du vieux château. Le varioleux avait une couverture par-dessus la tête, chacun de nous des cordiaux dans ses poches. Là, sous un hangar, nous attendîmes le jour, tandis que M. Richard rentrait à son logis et s’y montrait à tous, achetant un gros pain pour ses