occupants ne vous auront rien laissé ignorer. — Les ordres vinrent, il s’agissait de reprendre la Tuilerie abandonnée sans combat par les mobilisés bretons ; on poussait en avant les troupes qui garnissaient Pontlieue, tout ce qui n’était pas indispensable à la garde de nos positions devait se joindre à cet effort. J’y courus. Ma compagnie ne comptait pas trente hommes quand je me mis sous le commandement d’un brave, le général le Bouëdec, qui essayait de tout son cœur de former des colonnes d’attaque. En sa présence, les rangs se dessinaient, les têtes baissées se relevaient, les premiers pas se faisaient, mais la fatigue, le découragement, une vague terreur de ces ténèbres glacées et de ce qu’elles pouvaient cacher paralysaient l’élan ; au bout de cinquante pas le voisin de gauche avait disparu, puis c’était celui de droite… Ce fut une nuit terrible. Peu de compagnies parvinrent à portée de fusil des Prussiens, cependant ces pauvres efforts les maintenaient quelque peu.
Comme je revenais chercher des cartouches, vers cinq heures du matin, je rencontrai des fuyards du régiment que j’avais laissé sur les hauteurs de Bel-Essort. On était attaqué la aussi et l’on pliait. Je sus qu’à Pontlieue on envoyait les parcs et les fourgons de l’autre côté de la Sarthe. De ce moment j’eus la mort dans l’âme, et, rassemblant quelques désespérés, je retournai au feu. — Le jour parut. Par une pitié du ciel, les Allemands ne savaient pas combien