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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Monsieur de Vineuil à madame de Vineuil.
Paris, 17 décembre.

Trois mois de siége ! Eût-on jamais pensé que le peuple parisien supporterait pareille épreuve ! Trois mois de monologue pour lui qui aime tant à recevoir ou à donner la réplique, dont la vie morale s’alimente d’ordinaire des nouvelles vraies ou fausses du monde entier, voilà trois mois qu’il est forcé de vivre sur son propre fonds, et il ne semble pas s’en trouver plus mal ! Le besoin du rire, ce trait du caractère français, est resté le même dans nos traverses et je voudrais avoir enregistré quelques-unes des plaisanteries plus ou moins fines, mais toujours bienvenues, dont les expédients culinaires ont le privilége de faire les frais. En résumé, personne ne se plaint, sauf les maris et les pères privés de nouvelles et qui ne peuvent s’habituer à ce silence presque complet. Les étrangers, restés à Paris pour leurs affaires, partagent nos privations et n’ont pas le sentiment patriotique pour les soutenir, aussi ne cachent-ils plus leur désir de voir le siége se terminer d’une façon ou de l’autre.

« Si Paris ne veut pas capituler, disait hier soir ***, qu’on nous laisse nous rendre individuellement ! »