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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

« Tiens, dit Robert, voilà des hommes à cheval qui vont sans doute à Thiers par la forêt. »

Trois silhouettes de cavaliers apparaissaient en effet entre nous et le soleil, ils suivaient au petit pas le Chemin-aux-Bœufs. L’un d’eux tourna son cheval du côté de S… et l’arrêta un instant, il me parut se dresser sur ses étriers et inspecter l’horizon. Puis il reprit sa marche suivi des autres ; nous les vîmes cheminer longtemps, enfin ils disparurent dans l’ombre du bois.

« Tu ne sais pas qui ce peut être, Berthe ?

— Non, dis-je avec effort, car Robert m’éveillait à la réalité. — Non, je ne sais pas… mais il nous faut rentrer vite… Maman sera très-inquiète.

— Inquiète ? pourquoi ? nous ne sommes pas sortis du parc.

— Rentrons vite… Robert, je t’en prie, ne me demande rien ! »

Nous avons couru la moitié du chemin, j’entendais les battements de mon cœur, mes jambes étaient singulièrement faibles, j’avais peur, et pourtant je ne savais encore rien, je n’osais approfondir mes pensées.

Près de la maison, deux grands corps vêtus de rouge s’étalaient sur le gazon.

« Berthe ! » me dirent à la fois les deux enfants en s’arrêtant, blêmes de terreur.

Je les avais saisis chacun par un bras :