Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

25
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Il a été convenu que les Prussiens occuperaient les chambres au-dessus de l’écurie et que les domestiques nous rejoindraient dans la grande maison, puis tout le monde s’est ébranlé pour préparer le repas prescrit par l’officier. Va, c’est bien dur de se trouver ainsi servir l’ennemi ! et comment faire autrement ?

« Il faut reconnaître qu’ils ont été polis et arrangeants, dit maman une fois rentrée, cela ne s’est pas passé trop mal.

— Pourquoi ne leur as-tu pas parlé allemand ? Ils avaient tant de peine à te comprendre ! »

Croirais-tu que c’est maman, maman si prévenante pour tous et si douce, qui m’a répondu :

« Ma tâche n’est pas de simplifier la leur. Souvenez-vous que, sans nécessité, vous ne devez pas leur faire l’honneur de leur parler allemand. »

Pauvre maman ! son air royal l’avait bien abandonnée quand, vers minuit, entendant les Prussiens chanter à tue-tête, je me suis relevée pour voir si elle dormait. Tes lettres et celles de Maurice étaient sur ses genoux et elle pleurait en les relisant.

Ce matin, nos occupants sont partis sans désordre et sans exigences déraisonnables. François, malgré lui, a été forcé d’écouter quelques-uns de leurs récits. Ils venaient de Sedan et racontaient surtout les exploits des turcos, — des bêtes féroces, disaient-ils.

Des troupes nouvelles n’ont cessé de passer pendant

2