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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

du capitaine depuis la bataille de Beaumont et que sa malheureuse femme le croyait tué ce jour-là (30 août). Le corps du général Frossard, surpris au moment de manger la soupe, avait été coupé en deux ; une moitié s’était retirée sur Mouzon, l’autre sur Raucourt. On savait que le 68e avait campé à Beaumont même le 30, et une lettre de Durand, notre camarade, qui se trouvait très-près de là avec l’ambulance 11 bis qu’il accompagne comme aide-chirurgien, avait encore contribué à ôter tout espoir.

Le 4 septembre, cinq jours après la bataille, l’ambulance 11 bis avait été acheminée de Raucourt sur Beaumont. Un peu avant Beaumont la route traverse un petit bois ; là, à genoux dans le fossé ou massés quelques pas en arrière, Durand avait trouvé les cadavres de près de six cents hommes dans la position même où la mort les avait frappés[1].

Ils s’étaient dévoués pour le salut de tous, pas un ne s’était écarté pour fuir.

Durand vit avec un sentiment que vous pouvez comprendre que la moitié au moins des cadavres portaient l’uniforme et le numéro du 68e, il chercha parmi eux notre vieil ami. Il aperçut un capitaine qui, la tête traversée d’une balle, étendait encore le bras avec un geste de commandement. Dix-sept hommes avaient obéi à son appel et étaient tombés

  1. Voyez : Rapport de l’ambulance 11 bis.