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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

qu’elle partît avec les voisins. Depuis lors, elle n’a eu aucune nouvelle de lui, et comme il n’était pas d’un caractère à se laisser prendre son bien sans le défendre, elle s’imagine qu’il a dû être fusillé. Elle est dans une affreuse angoisse, et depuis que je l’ai vue, je ne peux plus penser qu’à elle.

Ces pauvres gens ont vu les mêmes ballons qui ont passé ici et ont ramassé des feuilles que les personnes qui montaient le second leur ont jetées. « Mais c’était en allemand, et nous n’y avons rien compris,» disaient-ils. Nous avons demandé tout de suite à voir ces feuilles, nous espérions apprendre quelque nouvelle importante. — Aussi avons-nous été bien désappointés en ne trouvant qu’une traduction en allemand de la proclamation de Victor Hugo que tu dois connaître par les journaux.

Nos pèlerins viennent de repartir, que Dieu les aide ! nous penserons souvent à eux. Aurais-tu imaginé qu’on put être si malheureux ? Je ne comprends plus rien à la vie de ce monde, c’est trop affreux.

T’ai-je dit que nous entendons distinctement le canon de Paris ? On reconnaît très-bien l’attaque ou la défense, le canon prussien et le canon français, la demande et la réponse, comme on dit. Ce son lugubre nous fait bien mal. Quelquefois il nous semble qu’il appelle au secours, d’autres fois il gémit comme une plainte. J’ai surpris hier Marguerite demandant à