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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

paillasse qu’elle a jetée à terre, — c’était assez bon pour un soldat, — et voilà ce qui s’appelle des gens soigneux ! Le lendemain nous avons repris un train pour Amboise, d’où la route jusqu’ici s’est faite par étapes.

C’est un beau pays que notre pays, et je ne l’ai jamais senti plus vivement qu’à Amboise en quittant les wagons. Si loin que la vue pouvait s’étendre, les plus riches campagnes du monde ; tout près de nous, la Loire roulant ses eaux à travers des châteaux et des souvenirs magnifiques comme elle-même. Vous souvenez-vous que mon père nous avait promis que nous ferions le voyage de la Loire quand Maurice sortirait de l’École ? Hélas, pauvre Maurice ! et pauvre moi, qui traverse cela tout seul !

C’est un sentiment poignant que celui qui vous ramène de cette splendeur des choses à la pensée de la menace qui se trouve là-bas, vers Orléans, Le soleil a été superbe pendant nos deux jours de marche et le temps si clair ne nous laissait rien perdre du paysage, mais quoi ! on pensait : « Pourvu que nous suffisions à défendre tout cela ! » Et le sol même où nous marquions nos pas semblait compter sur nous et nous dire : « Vous ne les laisserez pas passer ? »

C’est au sortir d’Amboise, pendant une halte, que la nouvelle de la prise de Châteaudun nous est parvenue. D’abord, cela nous a fait peu de chose, on en a déjà tant perdu, de villes ! c’est devenu une triste