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Qui se sauve, en jurant, de la cavalerie ;
De toilette en toilette aller faire sa cour,
Apprendre et débiter la nouvelle du jour ;
Puis au Palais-Royal joindre un cercle agréable,
Et lier pour le soir une partie aimable ;
Ne boire à ton dîner que de l’eau seulement,
Pour sabler du champagne à souper largement ;
Faire l’après-midi mille dépenses folles,
En deux médiateurs perdre huit cents pistoles ;
Sur une tabatière, ou bien sur des habits,
Dire ton sentiment, et ton sublime avis ;
Conduire à l’Opéra la duchesse indolente,
Médire ou bien broder avec la présidente ;
Avec le commandeur parler chasse et chevaux ;
Chez le petit marquis découper des oiseaux :
Voilà le plan exact de ta journée entière,
Tes devoirs importants, et ta plus grave affaire.

Le Baron.

Monsieur le gouverneur, vous nous blâmez à tort :
On ne vit point ici comme dans votre fort.
Nous devons y plier sous le joug de l’usage ;
Ce qui paraît frivole est dans le fond très sage.
Tous ces aimables riens qu’on nomme amusement,
Forment cet heureux cercle et cet enchaînement
De qui le mouvement journalier et rapide
Nous fait, par l’agréable, arriver au solide.
C’est par eux que l’on fait les grandes liaisons,
Qu’on acquiert les amis et les protections ;
Au sein des jeux riants on perce les mystères :
Le plaisir est le nœud des plus grandes affaires ;