Page:Boissy-Chefs-d'oeuvre dramatiques-1824.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(elle lit.)

« Non, belle Lucile, il n’est point de situation plus singulière que la nôtre, ni d’amant plus malheureux que moi. Je vous vois à toute heure sans pouvoir m’expliquer. Je m’aperçois qu’on vous méprise et qu’on vous croit sans esprit et sans sentiment, vous qui pensez si juste, et dont le cœur tendre et délicat égale la sensibilité du mien, et c’est tout dire. Vous êtes à la veille d’en épouser un autre, et je n’ose me plaindre. Je pourrois me consoler, si votre mariage ne faisoit que mon malheur ; mais il va combler le vôtre ; je le sais, je le vois, et je ne puis l’empêcher ; c’est là ce qui rend mon désespoir affreux : sans une prompte réponse, j’y vais succomber. »

(après avoir lu.)

Mon cœur est déchiré par un billet si tendre.
Ma peine et mon plaisir ne sauroient se comprendre.
Non ; mon état n’est fait que pour être senti !
J’ai là tout ce qu’il faut. Vite, répondons-y.
(Elle écrit en s’interrompant.)
Cher amant ! si les traits de l’ardeur la plus vive.
Si d’un parfait retour l’expression naïve
Peuvent te consoler et calmer tes esprits,
Tu seras satisfait de ce que je t’écris.
Les maux que tu ressens font mon plus grand martyre.