Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/119

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Cependant, à force de réfléchir, je crus voir dans la lettre de Mademoiſelle d’Aulnai, une cenſure de mon infidélité pour le Comte ; & dans ſon refus, une marque poſitive de ſes dédains.

Le témoignage de la conſcience ne ſuffit pas aux ames foibles : elles ont beſoin, pour ſe ſoutenir, pour s’eſtimer, de l’approbation des autres, ſur-tout de ces perſonnes décidées qui ſavent leur en impoſer. C’étoit préciſément le cas où je me trouvois avec ma ſœur. Mon eſprit ſe tenoit en reſpect devant le ſien… J’attendois ſon jugement pour oſer en prononcer un.

Confuſe, humiliée de l’opinion que je lui ſuppoſois, mon obéiſſance ne me parut plus qu’un acte de puſillanimité. Le petit édifice de vertu que j’élevois avec tant d’efforts, s’écroula ſubitement. Je ne combattis plus en faveur de mon mari… J’allai juſqu’à m’applaudir des révoltes de mon cœur.

Quelle ſituation ! qu’elle étoit dangereuſe !… Je ne me le diſſimulois pas.

Cet ouragan un peu ralenti, je fus effrayée de me rencontrer ſi loin de mon devoir. Il fallut travailler ſur nouveaux frais ; avancer un pas, en reculer deux, regardant ſans ceſſe en arriere, par la crainte des ſarcaſmes que ma ſœur pouvoit lancer ſur moi.