Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/127

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Non, Madame, je n’ai rien exigé de votre ſœur ; c’eſt par ſon choix qu’elle embraſſe cet état. Loin d’avoir éprouvé de ma part aucune violence, je lui en aurois fait une, ſi je m’étois oppoſée à ce deſſein.

J’avois une preuve ſi récente du deſpotiſme que ma mere ſavoit exercer ſur ſes enfants, que ſon apologie ne détruiſit point mes ſoupçons… Je ne penſai même pas à lui en faire des excuſes… Je révois… J’avois peine à diſtinguer le ſentiment que cette nouvelle excitoit en moi. J’aimois ma ſœur ; mais comment, dans l’ivreſſe du plaiſir, s’affecter d’un objet triſte, dont l’influence ne ſauroit venir juſqu’à nous ? D’ailleurs, Mademoiſelle d’Aulnai avoit, à mon égard, le tort que ſe donnent toujours les caracteres impérieux avec ceux qui s’en laiſſent ſubjuguer : elle s’étoit fait craindre. L’idée de n’être plus en butte à ſa cenſure, étoit un puiſſant correctif à mes regrets…

Je ne ſortis de ma diſtraction, je ne recouvrai la parole qu’en montant dans la voiture. Alors je demandai depuis quand ma ſœur avoit annoncé cette bizarre vocation ? Depuis environ ſix mois, répondit Madame de Rozane. Elle m’a, en quelque maniere, forcé la main pour entrer au noviciat lorſque votre vie étoit en péril, & je ne vous ai quittée ſi promptement, après votre ma-